La reconstruction du Manège militaire, 10 ans après - Espace Événementiel MMVQ
Manège militaire Voltigeurs de Québec Manège militaire Voltigeurs de Québec

29 avril 2019

La reconstruction du Manège militaire, 10 ans après

Le Manège

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Il y a plus de 11 ans, alors même que la ville de Québec s’apprêtait à célébrer son 400e anniversaire, un incendie catastrophique a presque totalement détruit le Manège militaire. Il aura fallu pratiquement une décennie de décisions et de travaux avant qu’il ne puisse rouvrir ses portes au public, en avril 2018. Revisitons les principales étapes de cette formidable entreprise de restauration et de reconstruction qui, à plusieurs égards, s’est avérée exemplaire.

Un drame

C’est dans la soirée du 4 avril 2008 que l’incendie se déclare dans ce qui est alors l’un des fleurons architecturaux et historiques de Québec. Le brasier, fulgurant, embrase l’immense édifice, particulièrement le toit cathédrale fait de poutres de bois verni. Après quelques minutes à peine, les flammes et la fumée s’échappent de toutes les fenêtres de la partie centrale. La violence de l’incendie perce ensuite le revêtement de cuivre : les diverses sections de la toiture s’effondrent une à une.

Le Manège militaire en flammes, 4 avril 2008. Crédit photo : Bernard Bastien, Service de protection des incendies de la Ville de Québec.

La présence de munitions et la violence du brasier complique l’intervention du Service de protection des incendies de la Ville de Québec. Plus de 16 heures de travail seront nécessaires pour contrôler la situation : ce n’est que le lendemain matin que les pompiers peuvent enfin confirmer la fin de l’incendie.

L’imposante bâtisse conçue en 1885 par l’architecte Eugène-Étienne Taché n’est plus qu’une façade de pierres noircies. Le régiment des Voltigeurs se retrouve orphelin de sa maison-mère.

Une image saisissante de la silhouette du Manège, dépouillée de son toit, sur fond de brasier. Crédit photo : Bernard Bastien, Service de protection des incendies de la Ville de Québec.

Raser ou reconstruire?

Alors que les décombres du Manège sont encore fumants, certaines décisions doivent être prises rapidement pour orienter la suite des choses. Son propriétaire, le ministère de la Défense du Canada, fait nettoyer le site, puis réaliser des travaux de préservation de la structure restante.

Le questionnement est important. Faut-il reconstruire le Manège militaire à l’identique? Certains suggèrent l’approche du «façadisme», où les éléments originaux sont préservés et intégrés à un nouvel ensemble architectural. D’autres émettent l’idée de tout simplement raser les vestiges et de construire un nouvel édifice…

Le Manège au lendemain de l’incendie, le 5 avril 2008. Crédit photo : Journal Québec Métro

En 2009 et 2010, Services publics et Approvisionnement Canada mène des consultations publiques et diverses analyses et études historiques, archéologiques et environnementales afin d’établir le plan d’avenir du Manège militaire. Plusieurs organismes experts en patrimoine interviennent dans les réflexions, notamment le Conseil des monuments et sites du Québec, l’ICOMOS, organe consultatif du Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO, Parcs Canada, ainsi que le Bureau d’examen des édifices fédéraux du patrimoine.

Le verdict tombe : c’est finalement la reconstitution intégrale qui l’emporte. Le cas de la tour Saint-Marc à Venise, effondrée en 1912 et reconstruite à l’identique, a fait jurisprudence en matière de protection patrimoniale. Plus près de nous, la cathédrale Notre-Dame de Québec, incendiée à deux reprises et reconstruite à l’identique – avec des améliorations structurales – en 1922, a fait l’objet d’un classement patrimonial dans les années 1960. Inspirés par ces exemples, les décideurs optent donc pour une reconstruction du Manège militaire, réalisée de manière à ce qu’il soit le plus fidèle possible à l’original du 19e siècle.

Une reconstitution planifiée soigneusement

La tâche s’annonce colossale, car le défi est à la fois technique, architectural et patrimonial. Après tout, seule une aile du bâtiment a subsisté. La salle d’armes doit être reconstruite en repartant à zéro. Fort heureusement, on dispose d’un outil précieux, soit les plans originaux de l’architecte Eugène-Étienne Taché! Il faut aussi intégrer un agrandissement de facture contemporaine sans dénaturer l’architecture originale ni entrer en contradiction avec l’esprit du lieu, marqueur important de l’histoire militaire de Québec. Enfin, cette reconstruction à l’identique doit impérativement respecter les codes du bâtiment et les normes actuelles, notamment en termes de sécurité.

Cette perspective de la reconstruction du toit laisse voir les poutres noircies qui côtoient les matériaux neufs. Crédit photo : Érick Labbé, Le Soleil

En juin 2011, un consortium formé des firmes Architecture 49 Inc., D.F.S. Inc., architecture & design, et Saint-Gelais Montminy et associés, remporte l’appel d’offres. Ces professionnels sont chargés d’élaborer le concept architectural ainsi que les plans et devis qui seront nécessaires à chacune des étapes.

Le concept global, accompagné de croquis de reconstruction, est présenté en 2012. Fait intéressant, ce concept exprime la volonté de laisser la trace de l’incendie, puisque cet événement fait désormais partie de l’histoire du bâtiment. Les architectes du consortium s’attèlent ensuite à la préparation de plans et devis précis. Enfin, mai 2015, à la suite d’un appel d’offres, le contrat de reconstruction et d’agrandissement du Manège militaire est attribué à l’entreprise Pomerleau Inc. Sept ans après le sinistre, les travaux peuvent commencer.

Vue de la reconstruction de la salle d’armes, une salle d’une hauteur spectaculaire. Crédit photo : Érick Labbé, Le Soleil

Naturellement, si on s’inspire du passé, le chantier est bel et bien contemporain : concepteurs et ouvriers travaillent avec les meilleures technologies disponibles. L’étape de la reconstruction sera donc beaucoup plus rapide que celle des consultations, des décisions et de la conception! C’est ainsi que le 26 avril 2018, le gouvernement du Canada procède à l’inauguration officielle du «nouveau» Manège militaire Voltigeurs de Québec. La reconstruction a représenté un investissement d’environ 104 millions de dollars.

Un «nouveau» Manège

Le Manège reconstruit présente la même apparence extérieure qu’avant l’incendie, tout particulièrement lorsqu’on l’admire à partir de la place George-V et de la Grande Allée. Les murs de pierre, les tourelles, l’aile est et la fenestration ont été restaurés de manière similaire à ce qui avait été construit au 19e siècle. Le bâtiment a été restauré avec des pierres d’origine, prises dans la même carrière qu’à l’époque de la construction originale. Le toit de cuivre, les tourelles, les contreforts, les frontons ouvragés sont des copies quasi conformes de l’ancien Manège. Pour parvenir à ce résultat, l’entrepreneur Pomerleau a eu recours à des entrepreneurs spécialisés en restauration de maçonnerie de pierre du 19e siècle, en métaux ouvrés patrimoniaux et en ébénisterie pour les portes et fenêtres.

Les ornements au faîte du toit ont été soigneusement reproduits à partir des plans originaux de E.E. Taché. Crédit photo : Ville de Québec.L’ancienne salle d’armes, où se tenaient autrefois les entraînements, est devenue une salle multifonctionnelle aux dimensions exceptionnelles : d’une superficie d’environ 1 900 mètres carrés, elle peut accueillir simultanément jusqu’à 1 300 personnes. Un grand soin a été apporté aux équipements technologiques favorisant des usages multiples. Fait remarquable, environ 90 % de la maçonnerie existante a pu être préservée. Les pierres et briques noircies, intégrées aux matériaux neufs, conservent la mémoire de l’incendie.

Les briques noircies, intégrées à la maçonnerie neuve, rappellent l’incendie de 2008. Crédit photo : MMVQ.

Relativement épargnée par l’incendie, l’aile a pu conserver ses escaliers de bois et de pierre ainsi que plusieurs structures d’origine : seules quelques fenêtres ont dû être remplacées. L’agrandissement côté ouest et côté sud (à l’arrière du bâtiment, près des plaines), de facture actuelle, s’intègre très bien à l’ensemble : l’emploi de matériaux nobles a permis de créer un amalgame heureux au plan architectural. Des bureaux accueillent du personnel gouvernemental et des locaux commémorent l’histoire militaire du Manège et des Voltigeurs.

Cet important chantier a aussi représenté l’occasion de faciliter l’accès au public en développant des espaces verts et en améliorant la circulation entre la place George-V et les plaines d’Abraham. Un stationnement a été aménagé à l’arrière de l’édifice.

Un élément patrimonial pour la postérité

Cette vaste opération de restauration a donc duré dix ans, une décennie qui a permis de bien réfléchir à la direction des travaux, puis de les réaliser de manière soignée. Au final, malgré les dommages, le bâtiment a conservé une bonne partie de son intégrité architecturale ainsi que la plupart des éléments caractéristiques qui en font un exemple du style château au Québec. Cette restauration parfaitement réussie a été saluée par des récompenses prestigieuses, dont un Prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ) et le Prix du public des Mérites d’architecture de la Ville de Québec.

Une restauration patrimoniale réalisée dans les règles de l’art et récompensée par des prix prestigieux.

Parfaitement fonctionnel, le «nouveau» Manège militaire des Voltigeurs peut à nouveau recevoir des invités. Un édifice avec un tel potentiel a cependant besoin d’être mis en valeur et utilisé à sa pleine capacité. C’est le George V service de banquets et traiteur qui a obtenu le mandat de gérer les espaces multifonctionnels du Manège militaire Voltigeurs de Québec – soit la grande salle, le foyer et le hall commémoratif – en coordonnant les événements qui s’y tiennent.

Ainsi, le Manège militaire des Voltigeurs de Québec rappelle l’histoire et contribue à la vie culturelle actuelle, tout en assurant le patrimoine de demain.