30 janvier 2019
Québec, ville de garnison
Retour sur le passé militaire de la Vieille-Capitale
La ville de Québec est riche d’histoire : mémoire et patrimoine s’entremêlent pour rappeler certains éléments significatifs de son passé. La dimension militaire représente un aspect important de cette histoire municipale car, jusqu’en 1871, la ville a hébergé une garnison. Outre leur rôle défensif, les officiers et soldats des régiments stationnés à Québec ont aussi joué un rôle significatif dans la vie sociale et culturelle de la ville! Ce billet vise à rappeler cet aspect du passé militaire de Québec.
Soldats de l’époque de la Nouvelle-France
Dès sa fondation par Samuel de Champlain en 1608, la ville de Québec est appelée à jouer un rôle de premier plan dans le système défensif de la colonie. Il faut dire que l’emplacement choisi est particulièrement stratégique, aussi bien pour assurer la présence française en Amérique du Nord que pour se défendre contre les offensives menées par les Premières Nations. Le gouverneur fait donc construire un fort militaire sur le promontoire du cap aux Diamants, le fort Saint-Louis, où loge une garnison de quelques dizaines d’hommes.
Au fil des décennies, à mesure que se développe le réseau de défenses, la présence de la garnison s’affirme à Québec. Dans les années 1680, face à la menace d’un nouveau conflit avec la nation iroquoise, les administrateurs de la colonie demandent de nouvelles troupes. Trois compagnies totalisant plus de 150 soldats sont envoyées à Québec en 1683 : ce sont les Compagnies franches de la Marine, qui relèvent directement du roi de France. Une cinquantaine d’années plus tard, dans les années 1750, quarante compagnies sont présentes dans la colonie, dont plusieurs en garnison à Québec.
Une garnison permanente
Les bombardements de la Guerre de Sept ans ont détruit plusieurs secteurs de la ville, ce qui nécessite de reconstruire. Le traité de Paris confirme que la colonie et sa capitale sont désormais sous l’autorité de la couronne anglaise. Craignant un retour des Français, qui pourraient être tentés d’envoyer des régiments pour essayer de reprendre la ville, les autorités britanniques estiment nécessaire de fortifier Québec. On y établit une garnison permanente.
Dès 1763, Québec devient une véritable ville de garnison, où sont construites des casernes, une redoute, des poudrières et une citadelle. Ce rôle défensif s’affirme encore après la Révolution américaine de 1774 à 1776, lorsque la ville de Québec devient la capitale de l’Empire britannique d’Amérique du Nord. Vers 1775, on dénombre environ un soldat pour quatre habitants et certaines années, la garnison compte jusqu’à 1 700 soldats. Cette importante population militaire a ses propres institutions, dont l’hôpital de la Garnison, également connu sous le nom d’hôpital Saint-Louis et situé sur la rue du même nom. Lors des grandes crises ou épidémies, cet hôpital militaire peut accueillir plusieurs centaines de malades.
La présence militaire est donc très évidente dans la ville, dans son développement urbain et dans sa vie sociale.
Apport à la vie culturelle de Québec
Dès la fin du 18e siècle, les soldats et officiers de la garnison sont très impliqués dans la vie culturelle, théâtrale et musicale de Québec. Ils participent aux fêtes et célébrations civiques, aux banquets, aux bals de charité et à bien d’autres événements, aux côtés de la bourgeoisie de Québec. Rappelons que la garnison est une manifestation concrète de la puissance royale britannique à Québec, alors cette présence publique ne doit pas surprendre.
Beaucoup de démonstrations sont faites en public, pour le plus grand plaisir des badauds. Les régiments effectuent, par exemple, des manœuvres régulières à l’Esplanade ou sur les plaines d’Abraham, mais aussi des exercices de tir et même des simulations de batailles en rangées. Leur agilité, leur dextérité, leur discipline et leur respect du protocole sont admirés. Les régiments défilent fréquemment sur la place d’Armes du château Saint-Louis, leurs fanfares offrant de une à deux heures de musique aux habitants de Québec lors des beaux soirs d’été. D’occasionnels, ces concerts deviennent rapidement hebdomadaires et ne cesseront qu’en 1837.
Certains officiers présentent des soirées privées de musique de chambre et de récitals avec petits chœurs et solistes. Certains organisent même des concerts d’abonnements, dont une partie des bénéfices est versée à des sociétés de bienfaisance de Québec.
Le théâtre est l’un des secteurs de la vie culturelle où la garnison s’implique activement au 19e siècle. Les officiers se produisent comme acteurs dans de petites compagnies locales. Vers 1815, les pièces sont surtout présentées à l’hôtel Union, à la place d’Armes, ainsi qu’à l’hôtel Mailhot sur la rue Saint-Jean. Le Royal Circus de la rue Saint-Stanislas, qui devient en 1834 le Royal Theater, est aussi un lieu où se rencontrent les amoureux de théâtre, aussi bien civils que militaires, tant anglophones que francophones.
Il convient d’évoquer le séjour à Québec de l’officier et artiste James Pattison Cockburn. En 1826, il reçoit le commandement du Royal Regiment of Artillery au Canada et vient par conséquent s’installer à Québec jusqu’en 1832. Pendant ces six années, Cockburn réalise un nombre impressionnant d’esquisses et d’aquarelles illustrant les paysages du Haut et du Bas-Canada, et tout particulièrement Québec et ses environs. Encore aujourd’hui, ses représentations des rues de Québec permettent de compléter nos connaissances sur la vie quotidienne, aussi bien sociale que religieuse.
Vers le départ de la garnison
L’importance relative de la garnison décroît entre 1830 et 1860, surtout en raison de l’affluence des immigrants venus d’Irlande et d’ailleurs. Logés aux casernes de l’Artillerie ainsi qu’à la Citadelle, soldats et officiers se mêlent à la population, sont clients des diverses boutiques et tavernes, mais ils épousent rarement des femmes canadiennes-françaises. En fait, ils restent rarement plus de trois ans à Québec. Au lendemain de la Confédération, en 1867, la garnison compte 945 personnes, un ratio d’environ un militaire pour 40 civils, ce qui ne représente plus que 2 % de la population de la ville.
Estimant que le climat social garantira désormais la paix et que la sécurité n’est plus un enjeu nécessitant une présence militaire constante à Québec, les autorités décident de rappeler la garnison britannique en Angleterre. C’est donc le 11 novembre 1871 que les officiers et soldats du 60e régiment, du Royal Artillery et des Royal Engineers sortent de la citadelle et du parc de l’Artillerie en grande tenue, défilant pour la dernière fois dans les rues de la haute-ville puis de la basse-ville en chantant « Auld Lang Sye » et « Good-bye, Sweetheart, Good-bye ». En présence d’une importante foule, ils s’embarquent sur l’Orontes. Une page de l’histoire militaire de Québec vient de se tourner…
Ce sont les autres corps militaires qui prendront le relais, notamment le Royal 22e Régiment, logé à la Citadelle, ainsi bien sûr que les Voltigeurs, basés au Manège militaire de Québec.
Encore aujourd’hui, on trouve plusieurs traces de la présence de la garnison britannique à Québec. Pour quiconque s’intéresse au patrimoine militaire, la ville présente de nombreux attraits et monuments!